21 mars 2012

milou


je n'ai à la courgette et le demi poivron cuits vapeur al dente, en plus des sel poivre huile d'olive, pas pu empêcher une retenue de crème liquide et ses anchois blancs.


l'histoire du phoque


C’était ce bleu dense qui s’éclaire quand on y entre la tête la première, tassement des proportions dans une échelle inconnue, admise, mes pieds qui remuent dans le bleu et eux-mêmes, pas la peine d’aller vite, des «dorades-dit-il» qui étaient en-dessous, supérieures sous l’onde, ne s’éloignant que de peu quand je les poursuivais, intactes, font un tour et reviennent sous nous, enfants innocents des vacances. Un gonze qui pêchait en attrapa plusieurs (habile certes mais borné, le poisson) qui, plutôt que grillées au fenouil ou en filets marinés au citron et graines de cela et herbes de ceci, finirent dégustées crues pelées levées à même la roche chaude où nous posions nos fesses; et replongeon pour imaginer tout boire. La veille avait cuit un pot-au-feu d’hors-saison particulièrement genièvré qu’au soir, en revenant de l’eau (pas le soir de la veille où le pot avait cuit pendant que nous mangions des panisses en frites dorées et leurs légumes vapeur – ici, à jamais, gravons «sous la dent» au marbre de la vapeur – et tant de ce vin blanc qu’endormis n’importe où), j’ai dressé d’une sauce moutarde au vinaigre de vin, simple vinaigre de vin, rouge, aigre, acide, refouli d’alcool maison, une sorte de mauvais caractère, le bougon du placard, et beaucoup de ciboulette, en regrettant qu’il n’y ait pas, à frire en flocons de patates, des huîtres (le temps de leur dorer une nouvelle coquille) – le bouillon en consommé du petit déjeuner.
Rentré, et ce truc dans l’air qui fait que la peau s’enduit, j’ai pris 1kg de raie à 11 euros, dans l’eau, deux laurier, un genièvre écrasé, sel, à frémir 11 minutes, j’attendais la transparence qui se forme au ventre de la bête, un glaire livide de nacre qui tire au violet, un vrai, diaphane et plus éclatant encore quand auprès de la gamelle qui frémit j’ai posé le lèche-frite où de fines tranches d’aubergines avaient rôti rapide dans le four assez chaud et un peu d’huile, les mêmes jaunes un peu sales, les cramoisis amis; plus transparent encore à côté du beurre fondu à feu doux avec ajout de pâte d’arachide et, cuits dans la seule inertie, persil haché, le jus d’un demi-citron, une grappe de câpres (j’en avais quelques grosses avec leurs longues queues), travaille dans le doré, le jour qui descend sur la plaine et bocages; concomitante acmé, fortuit camaïeu final de l’appareil des tranches d’aubergines quand j’arrange, hachés, une demi-pomme, un quart d’oignon rouge, quelques anchois à l’huile, de la menthe, du basilic et de la buffala, huile d’olive (pas trop) et poivre. On a passé un bon moment à regarder le truc. On grillé du pain. Plus tard, j’ai fait un gâteau, mais c’était pour ailleurs.

<pas de visuel>

12 mars 2012

jerry


j'aurais aimé être ce bout d'anchois au sel haché d'un maigre reste de persil et une feuille de menthe mis à contribution de pâtes rétablies de lard suisse, une échalote et grains de fenouil poêlés, que j'ai mangé tout à l'heure, — comme le fait de lâcher du modène balsamique sur le riz revenu au persil et ses cubes de vacherin fribourgeois : la main au bout du bras de l'épaule —.

cidre ardent


C’est l’hiver, les reflets qui réchauffent quand les gants sont mouillés, plaine immaculée, ciel comme l’absolue vitre des autres, craquelures des houppiers qu’on dessine, paradis calculé, retour en calèche, au coin du feu la marmite.
Dante racontait, et on sait que c’est faux, qu’en face des sept cercles de glace qui forment le centre de l’enfer, où les larmes gelées des damnés leur strient en tombant les joues de coupures toujours neuves, qu’en face de ces balmes de forêts pétrifies dans le froid, on entend le bouillonnement discret d’une sorte de sauce rougeâtre qui s’écoule dans des canaux infinis et au loin et dessine dans l’air une crête fumeuse qui serpente. On l’a déjà vu, déjà dit, déjà lu. (Ceux qui n’étaient pas là le savent mieux que quiconque.) Depuis ma chambre, c’est un peu différent.
Comme je sais qu’un rouge n’a rien à lui s’il n’a pas un peu d’ocre, que le carmin ne vaut qu’en touchant du marron, j’ai pensé que le kako d’un cochon (son jarret demi-sel, donc) irait bien aux couleurs venues de haricots. Cependant il me manquait la mer. Je voulais le bain et l’anorak, les hauts causses puants au lisier d’épandage et la vague qui, fatale, vous retourne au rivage: j’eus la vision d’encornets qui tournent à la violine quand on les cuits sévère. Le kako désalé trois heures dans des eaux changées trois fois est cuit lentement et pas moins de deux heures et demi avec une belle échalote émincée, un fin poireau entier et sa carotte comme on veut, un verre mélangeant haricots rouges et borlotti, six autres d’eau. Je n’ai pas su empêcher la baie rouge, le grain de coriandre, le genièvre et le piment oiseau d’aller y faire un tour, sont restés discrets, il faisait sombre, n’ai pas pu les compter. Sous la fonte qui diffuse la gélatine et la couenne fondent, emportent les sucs, les transforment. De temps en temps je remuais en savourant d’avance les bubons de la sauce qui perçaient en fumant. C’était la veille et maintenant c’est demain.
Je mets à réchauffer (une demi-heure de plus ne lui a pas fait de mal) tandis que les encéphales à tentacules de quelques encornets et ail reviennent à la poêle puis coriandre haché au moment de servir sur l’assiette du ragoût qui attend. L’ensemble fait vermeil et j’ai failli en rester là, fasciné par la scène écarlate, un syndrome de Stendhal fabriqué dans mon coin. Aujourd’hui je chante le collant du gluant de la peau qu’on mange sans vergogne, la viande qui se détache en fines fibres entre la langue et le palais, les haricots qui exhalent le piment dans leur pâte douceur, le poireau qu’on regrette de n’avoir pas plus long. 
Il n’y avait pas de place pour un peu de chapelure chauffée à l’huile d’olive et liée de persil dont j’avais la semaine passée coiffé au service un risotto de simple céleri dans une sorte d’autogratin sans four. Du coup, j'eus l’idée d’un dessert.

<pas de visuel>