24 déc. 2012

grainetier


ce qui est étonnant, ce n'est pas la hiérarchie cadencée aux canneberges séchées du navet, de l'oignon blanc, de la griffe d'ail, émincés fondus ensemble 10 mn; ce n'est pas la lente, progressive diffusion fumée sous la dent qui mastique des fins petits bouts de lard aux herbes du Gourmand Vaudois d'un marché de Genève jetés crus en premier dans l'assiette; ce n'est pas non plus qu'en ce moment ce sont les farfalle qui remplissent toutes les conditions d'accueil d'un agissement poêlé; ce qui est étonnant, c'est la saveur citronnée d'amande, allongée et circonscrite comme une fenêtre panoramique dans l'ancien d'un mur de grange, que l'huile des anchois blancs niçois versée au service fait avec la courgette 

massu


– je pense que je vais arrêter
– t’es fatigué ?
– bah, disons que je vais arrêter. Enfin, je crois…
– hé! la croyance…
– ok! Je pense que je vais arrêter
– t’es fatigué ?
– arrête! veux-tu!
– ça va!… c’était bien les pousses de fougère
– c’était y’a longtemps
– cuites dans l’eau 20 minutes…
– 30!
– 30 minutes, petite huile d’olive et…
– ouais mais j’aurais pu penser à l’huile de noisette, et plutôt que du sel un pilé d’ail séché ou d’anchois séché
– t’as des anchois séchés !?
– non. Je pourrais, lentement sur des claies ou pendus par la queue dans une pièce aérée. P’t’êt’ ça existe déjà l’anchois séché. Faudrait. Tu vois, si ça existe pas, ça me désole
– tu exagères
– non. Maintenant y’a plus personne pour envisager l’envie de faire un truc pareil, dans le cadre d’une coutume, d’un us ethno-partagé
– y’a toi. Y’a des gens comme la boulangerie à Montreuil, là, je sais plus le nom
– alors excuse-moi
– ça va, pas besoin de s’excuser. Le cœur de cheval, tu fais quoi ? «J’avais sur une grosse langue de ventricule hachurée au couteau appliqué, gros sel, poivre noir, coriandre, laurier, cayenne et grains de fenouil pour sur la face intacte à l’étouffée dans une sauteuse 20 mn pendant que – faire la sauce – réduisaient au sirop les 50 cl de vin rouge sur fondu d’échalotes, ail, thym, rebouillus très doux 8/10 minutes dans 20 cl de fond de veau, chinois puis en tournant la casserole 50g de beurre et une c.s. de salmiakki finlandais, fils de poireaux vapeur et strates des cristaux en camaïeu de bruns» ?
– on pourrait l’écrire autrement
– ho la la, t’es vraiment triste aujourd’hui!
– excuse-moi
– triste et chiant
– ok. Peut-être un pain de viande au cœur de cheval, envisagé comme une promenade
– ça part mal
– je veux dire comme une conquête, une guerre, une invasion, une rapine des nations, un blitzkrieg sans hoquet ; des provinces aménagées entre elles depuis des siècles en socle de tout sont passées à la moulinette et serviront de limon à un nouvel homme dans un nouveau monde. Elles se nomment : cœur de cheval, oignons, beurre, sauge, chapelure, épinards, fanes, branche du céleri, coriandre, baies rouges, poivre, romarin, armagnac, sel, anchois et veau. Les proportions sont laissées à chacune des armées incursives qui resserrant leur étau cuisent th. 7 le tout enveloppé-serré dans du papier d’aluminium.
– 20 mn ?
– hmm, un bon 40
– tu m’aimes ?
– disons que je te coupe en deux

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ménagère


Il y avait des poireaux fins, jeunes sans doute, fins, j'en ai pris six à peine épluchés puis lavés coupés en deux parfois trois pour tenir côte-à-côte sur quelques lames de lard gras dans un plat à gratin saupoudrés pas mal de chapelure et un peu de comté râpée, du sel jusqu'à penser c'est trop, 25 mn four torride et attendre que froid pour quand on les croque du gratiné au confit intérieur jouir de l'enveloppe séchée, le blanc bien sûr et les verts aussi… ouais! c't'un crescendo

balbec


je voyais bien qu'à la poêle, revenue mais pas trop, l'amertume des endives taquiné à celle grasse de l'amande crue écrasée, ingrate du persil émincé qui parfois tel un foin mais, et la métis acide de canneberges : Ô les ruisseaux dans lesquels des carafes…


place de l'égalité


je n’ai pas réfléchi, j’ai laissé faire, je me suis laissé me faire, j’ai gratté une carotte, émincé quatre champignons de paris, une échalote, je les ai fait fondre à couvert et feu doux dans une poêle à l’huile de pépins de raisins. Je me suis dit: «Tu utilises beaucoup la poêle, il faudrait revoir toutes les fois où tu as écrit “dans une poêle”, mettre à jour le système (également décrire l’espace, le chemin entre la table et le frigo, le lien d’esprit qui va de l’un à l’autre et advient dans un plat)». J’ai mis l’andouillette de canard dans une petite casserole avec un bout, un truc qui pour tous est un bout, en l’occurrence ici de céleri branche, et le reste d’un vin blanc lambda rapporté d’ailleurs. Le saucisson baignait bêtement avec son copain le bout, je les ai laissé discuter à feu très doux pendant que sous le couvert de la poêle ça fondait le temps que je fasse autre chose – étendre du linge peut-être, gratter un amas minéral au-dessus de la plinthe du couloir, relire un passage de La Fabrique de l’homme endetté et me demander si ce temps-là que je prends pour cuire ça était une prise de crédit qui faisait de moi un débiteur projeté dans la mémoire de son futur –. À mon retour, le vin blanc frissonnait, les légumes semblaient cuits, j’ai versé le liquide, l’andouillette et le céleri dans la poêle et feu fort jusqu’à ce que plus de jus, j’ai fini d’un gros prout! de crème semi-épaisse et ce qui m’a plu, ce qui a placé ce frichti sur le podium magnanime de ma gourmandise, ce n’est pas le bout de céleri al dente comme un virage sur une route à travers des marais, c’est que je n’ai pas mis de sel, jamais, celui du vin blanc et celui de l’andouillette ont suffit. C’est aussi que je n’ai pas mélangé la crème que j’ai laissé diffuser dans un coin, d’abord de la poêle puis de mon assiette, que ce havre-ci relevait le champignon de la chose et apaisait l’acide de l’axe carottevinblanc, j’allais de l’un à l’autre en passant par l’élasto-fondant des abats, j’allais de l’un à l’autre la tête toujours un peu plus près de la table comme un héros qui petit à petit découvre des habitants dans les rainures du bois, en tombe amoureux, veut les rejoindre, rapetisse sur son tabouret, se prend un taquet par sa sœur ainée qui l’élève depuis la mort de leurs parents. Et puis j’ai eu envie de riz au lait.
Le soir, à la terrasse du bar du Marché, tout le monde parlait de sexe. Vous, vous buvez de la bière, vous buvez de la bière, vous buvez de la bière, vous buvez de la bière, vous buvez de la bière, vous buvez de la bière.

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stand


Elle dit qu’elle eut un caillou comme maître, un oblongue minéral qu’elle portait dans sa poche appuyé contre la cuisse. Dans la claire eau déferlante et fraîche jusqu’à la taille mais habillé parce que pas le temps d’ôter quoi que ce soit avant d’y sauter pour maintenir l’arbre qui fera l’accident, j’ai repensé à la soupe de châtaignes que nous évoquâmes perchés sur la banquette avant d’un vito traversant St Ambroix. Elle proposait d’ajouter des cœurs d’artichauts et de mouliner, ce qui ne me plut qu’à moitié (trop de similitude quand j’imaginais plutôt des bouts flottant dans un bouillon trouble et jaunasse, des bouts qui eurent été des branches, tout au moins des brindilles, quelque chose qui ne se mange pas mais qu’on veut dans son assiette, une flaque qu’on lape, une belle et la bête, ce crapaud qu’il te faut embrasser), cuite le temps que les châtaignes, aromatisée d’un piment et de feuilles fraîches de verveine. Puis je rentre. Il est tard. Demain on précipite une voiture du haut d’un pierré jusque dans la baille (une autre!) et si cela m’enchante, j’aimerais aussi, en même temps et concomitamment, aller chez Empereur où, dit-elle, on trouve des entonnoirs à saucisse qu’on fixe sur les hachoirs pour faire ses siennes à soi, mélange personnalisé, travaillé la nuit dans les rêves, ou parmi les caresses, révisé au réveil, ou plus tard entre deux gestes obsolètes, ou à l’acmé d’une pirouette aux fourneaux, de celles qui, le soir, fatigué, vous sauvent la journée, petits bonheurs trop vite avalés, variations instantanées de carottes champignons poêlés au poivre blanc qui donnera au risotto un étrange et pénétrant fumet de cul de vache, brûlant plus que tout avec siège des sinus. Ce poivre je l’ai mis entre les couches de patates douces intercalées de bouts de céleri feuillus et de faisselle cuites à l’étouffé dans une poêle ; ces bouts de céleri feuillus si doucement revenus sur eux-mêmes avec de fines tranches de lard ont le lendemain couverts dans l’assiette deux tomates huile vinaigre et branches de basilic hachées entières ; tout un bouquet de ce basilic haché entier avec la moitié d’un persil je l’ai arrangé de quelques feuilles de verveine pour la cuisson en cocotte et un peu de cognac (25 mn feu doux) d’un saucisson qui dans la vitrine du boucher fut pour moi comme un petit chien pour d’autres et puisqu’aimer, c’est trahir, adopter, c’est manger, et la verveine, on ne comprend pas ce goût connu qui fait l’étranger, on attend que ça connecte, on déguste un peu ballot, imbécile et heureux.

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l'automne ici


bruns bitumeux, verts de vampire et ce goût d’anis d’un demi-bouquet de coriandre haché braisé 30 mn autour d’une cuisse de canard avec l’amertume d’une feuille de laitue, le sucré d’un oignon, la pâte salée d’une dent d’ail, l’incohérence chérie d’un piment d’oiseau, déglacé d’une c.c. de beurre et 3c.l. de cognac, coiffé de l’anis de l’autre moitié crue d’un bouquet de coriandre haché – brisure pour le riz s’entend


cette reine


la simple envie qu'elle eut de barder de longues feuilles de citronnelle de savoie des diots déposés 30 mn à feu mini dans une poêle sèche et couverte les tapote d'un trouble qu'on prête aux papillons – cerfeuil


mademoiselle

Immergé à 80% dans l’eau bouillante d’un bain qui tiédit, je vaguais dans mes problématiques de guerre (Que mange-t-il, que mange-t-on ?) quand Sylvie me tendit le fascicule Cuisine de guerre écrit en 1917 par un suisse qui envisage la récession et le manque par capillarité géographique : c’est le conflit chez d’autres qui perturbe l’économie des ménagères locales qu’il faut renseigner sur les moyens de survivre à ce voisinage embêtant. J’ai pensé à l’édition 1972 du manuel culino-domestique Joy of Cooking (1931) qu’Elliot m’avait offerte et qui se situe à l’exact opposé d’une poupée, car quand la poupée, comme le remarque Emmanuelle dans son deuxième livre, n’a jamais de mode d’emploi (et franchement allez vous dépêtrer seule d’un truc pareil quand vous êtes une gamine et que toute la famille vous sourit ravie du cadeau pourri), les bibles ménagères ne sont que mode d’emploi et toujours une solitude. D’habitude les manuels se partagent entre collègues, à l'école ou à l'atelier mais celui de cuisine se lit seul, je veux dire seule, dans la cuisine, avec la nécessité de réussir, de comprendre ce dont il s’agit, cette injonction à être gentille, d’en déchiffrer la moelle, d’en déduire une esthétique, de faire sienne ce qui y est proclamé et de s'inscrire dans le palmarès dit/non-dit des bonnes cuisinières, d'en être digne, mais on est seule. Le partage de ce machin se fait en dehors de la pratique, quasi par hasard, au gré non pas des rencontres mais des visites : dans le camp de concentration pavillonnaire si on a des visites, on fait peu de rencontres. En exergue du livre, une citation de Faust de Goethe : Ce que ton père t'a légué, réapprends-le pour le posséder. Ah, terreur de chaque jour! Ô fardeau de la reléguée! Et j’imaginais un Stephen King dans lequel une ménagère flippe autour de son livre de recettes.
Je suis sorti de l’eau froide. Je venais de lire «les ranger dans un chaudron en les entremêlant de foin» et l’image de quelque chose cuit dans du foin persistait au quart nord-est de mon cerveau entre scorpion et sagittaire, serré à l’étouffé sous les brins comme sous une croûte de sel, comme dans un nid, les chairs pleines des sucs maintenus composés sur l’étagère de l’attente, ronds d’eux-mêmes, attentifs à leur pairs, l’oignon confit frais, l’ail en purée dans sa coque, des patates pourquoi pas, l’ensemble cuit dans la suspension comme caressé par l’alizé, y’a plus qu’à servir. Pour le foin s’en est pas tout un. Il y a des herbes hautes sur les coteaux du tramway, les pentes des rampes des ponts, les squares où les enfants nous oublient, les périphéries où même les voitures semblent se déplacer parmi les bromes, les sesléries et les chiendents. J’ai pris ma serpe et mis à sécher par bouquet dans le couloir.
Une semaine plus tard j’ai opté pour des cailles qu’avant de recoudre j’ai farcies d’un peu de chèvre frais ciboulette persil et deux gouttes d’armagnac, sel poivre puis en cocotte sur lit de graminées, deux oignons blancs et dents d’ail pas épluchés, un brin de romarin et à nouveau assez d’herbes pour que tout soit calé par le couvercle qui fut luté, 30 mn, thermostat 8. Tout est dit plus haut sinon l’armagnac migré à mi-course dans chaque bête gonflée de jus et la carotte, le fenouil, vapeur en 5 mn, dressés sous un filet de citron vert. Le lendemain, idem, je fis des rougets-barbets.
Tout peut y passer sous ce regain, mais j’attends le rôti de veau arrangé de tomates fraîches et d’oignons nouveaux, de feuilles de menthe et de persil plat. La sauce se fait quand à la garniture débarrassée des brins on ajoute à feu doux une cuillère de beurre, le jus de la viande issu de la coupe, un demi-verre de blanc sec et au service avec du boulgour sauté aux brocolis (vous y arriverez tout seul) on jette de l’estragon haché. Malheureusement cette façon-là ne me permettra pas d’y mettre à cuire clandestinement un rognon de veau comme quand dans les bonnes maisons on profitait du mijotage des patrons pour améliorer l’ordinaire du personnel et je ne pourrais pas dire au valet dont je suis amoureux «tiens, c’est un rognon qui a cuit avec le rôti d’veau.» Une autre fois sans doute.
Au marché, les couteaux étaient si chou en paquet ardoise veiné d’orange que dans la casserole sur le fondu d’un oignon, ail, persil plat, brins de thym, baie de genièvre, l’émincé dans la longueur d’un fin demi-blanc de poireau, couvercle feu doux quelques minutes pour les manger tiède en salade dont j’ai noyé modérément la vinaigrette de cidre avec le jus de cuisson, accommodée du persil entier et de tranches d’une betterave jaune vapeur 3 mn. La rhubarbe je l’ai repérée entre Vitry et Choisy au bord des voies du RER, récolté à profusion pour la confiture augmentée de fenouil, de gingembre, ou 1kg en doigt dans un plat à gratin avec trois blancs d’œufs battus et du sucre casson, 30 mn à 200°C. Puis j’ai mis mon cœur en sous-loc, quitté de moins en moins la campagne, fini par m’y fixer : le miroir au bord du chemin.

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22 mai 2012

basse crête


L’histoire du repas de sauces résolu par des tartines : une sauce et son accompagnement.
La beauté cristal des échalotes finement émincées que Maman coopte pour son rôti de porc ratatouille (quand le rôti en cocotte est revenu de toute sa surface selpoivre, on y joint les légumes qui pendant ce temps commençaient à fondre dans une sauteuse et deux heures couvercle au four 150).
Des sauces pour les aubergines en cheminées de Koari (gros tronçons de ces gourdins violets qu'on aura choisis modestes, de la pointe du couteau on en fait le tour au ras de la peau et mi-profondeur puis 2x2 coups cardinaux pour tracer des carrés, cuits dans l'huile généreuse d'une poêle d'abord du côté vierge et puis de l'incisé, l'humidité fait vapeur et fait fondante la pulpe) : tomates et pissalat (garum, surströmming), si on en trouve, si on connaît, tomates et miso et menthe, sauge, fenouil, échalotes.
Des paupiettes à l'échalote, fines escalopes, petites et fines, quelque chose de singulier (vient d'un monastère caché etc.), enduites d'échalotes fondues et de thym, ou de concentré de tomates, ou d'une fine tranche de jambon blanc, et que maintenues roulées par de petits pics en bois on fait lentement cuire jusqu'au caramel dans leur moitié vin blanc et feuilles de laurier, avec des racines vapeur al dente.
Ou quelque chose de noir, naturellement sombre et mat, un charbon végétal comestible, une purée de pavot, des patates à l'encre de sèche mais sans l'iode, un raifort sans la pulpe, qu'est-ce qui est noir et qu'on mange ?
L’idée d'un crépuscule entre troubles blancs et dorés rougissants comme une lotte aux tomates (certainement à la poêle où le poisson est frit, rejoint par les tomates cuites ailleurs, autrement) et des poireaux rôtis, jeunes (quand sera-ce la saison ?), dans un plat côte à côte, un peu de gras, qu'on augmente pour l'assiette d'un beurre blanc de cacahuètes.
Puis revenons aux sauces pour sur les aubergines, des pâtes ou des tartines (concasse d’anchois au sel, raisins (il faut les éplucher), ciboulette et huile, – d’anchois au sel, coriandre et crème liquide, – de tomates, concombres et piment et sauge, huile, – de tomates, persil, ail, anchois au sel (mais de tomates cette année, pas vraiment) et huile, – de lard haché violemment frit, arrangé des champignons qu’on a soi-même séchés par oubli sur coin de table, – d’anchois au sel, ail, menthe et huile), c’est pour choisir laquelle pourra servir les petits encornets que j’avais farcis de tendron de veau haché au céleri branche, sel poivre, espelette et à peine de zeste de citron vert, fermés d’un cure-dent, cuits dans la poêle couverte à feu doux, déglacés au vin blanc que j’ai hésité à flamber au whisky – toujours ce crépuscule, des paillettes dorées aux carreaux des cuisines.

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héraldique


elle demande "J'vous coupe le vert" – "Mais pas du tout !" C'est justement que ce vert, pour un risotto, ce foncé d'un gros poireau, les lattes porassées que vous faites fondre découpées à valeur timbre-poste dans huile pas olive avec le paquet de feuilles d'une branche de céleri, une échalote, cinq six branches de thym, sel poivre, feu doux couvert, puis, ôtant le thym, jetez 150 g de riz lavé, feu vif le temps que ça parle et tiers-verre de vin blanc qui exhale et à re-feu-doux mouillez au bouillon (cube ou celui que vous fîtes et congelâtes de légumes qui traînaient et d'un os garni de veau, par exemple) et remuez jusqu'à l'al dente de rigueur pour c.s. de beurre et, hors du feu, bonne cuillère à soupe d'un chèvre frais, sel poivre.
vous avez arrangé avec un balsamique et de l'h de o des tomates-cerises dont le rouge et brun sur le blanc et vert envisage la palette primesautière de l'écusson d'un guerrier.

z


la poignée de trompettes de la mort à fond dans la poêle avec émincé d'ail et persil eût été bien triste (micopie) sans cet œuf cassé dessus à peine stapulé que hors du feu et sel dans l'assiette pour marée noire en alaska et carmin des trévises vinaigrette, deux craquants distincts et gluants sans pareil – se réveille la face enfoncée dans l'humus


15 mai 2012

la ronde



C'est la glande de l'équilibre, régule le chaud, le froid, la satiété, l'énergie, la vie en société, le rapport à son reflet, l'utilité d'en être, l'aboutissement. Aujourd'hui c'est le contraire, plus rien ne peut aboutir, c'est ontologique, la satiété est une chimère et manger ne sert à rien, s'applique en tâche de fond, c'est le règne, la dictature de l'autonomie, un pays de sourds-muets sans abbé de l'Épée, une communauté de l'indifférence. Alors on attend, ne sachant que faire, le conflit permanent et mou de soi à soi nous étouffe et nous vire aporie.
Heureusement les idées qui sont parfois presque un début d'envie fonctionnent, et je retiens que courgettes et tomates cuites à la poêle sur elles-mêmes avec un œuf cassé dessus à couvert pour les dernières minutes font un rata légèrement acide parcouru des bouts claquant craquant du blanc figé (et sais que sur une ratatouille réchauffée rien ne vaut un œuf au plat dépecé) ; je retiens que les Iraniens cuisent le riz jusqu'à une sorte de croûte sous laquelle chaque grain se sépare parfumé de l'épice qu'on y mis, alterné de couches animales ou végétales, salées ou sucrées ; je retiens qu'on peut assembler un meatloaf autour d'œufs durs et que cela nous vient des Azéris qui l'ont peut-être piqué aux anglais car les américains en parlent; je retiens que des haricots blancs plus petits que les cocos du cassoulet cuits dans ce qu'il faut d'eau salée avec des lardons préalablement revenus se dressent dans une assiette creuse au fond de laquelle on a mis une tranche de miche grillée, aillée (ou mixés en crème – mais le pain n'est pas loin); je retiens qu'il n'y aucune raison pour que des pattes de poulet, un bouquet garni, une carotte, un poireau, immergés et cuits un moment ne fassent, quand on y bat avant de servir un jaune d'œuf et un peu crème, une tendre soupe à verser sur un tapis d'oseille hachée; je retiens qu'en attendant de posséder et d'user de la technique de la clarification du bouillon avec couvercle protéïnique et cheminée (ou préférer le dashi), on peut à deux blancs d'œufs mélanger 100g de farine, 100g de sucre glace et ce qu'on veut de graines de tournesol écrasées pour en taches sur une plaque au four fort en faire des tuiles qu'on croquera avec une sauce à la grenadille à inventer; je retiens que l'anchois au sel ou à l'huile parfume la farce d'une oie aux marrons, le jus déglacé d'un steak cuit en lamelles, la vinaigrette des asperges, titille le ris de veau sauté à la pomme et qu'on cherche encore comment l'accoupler à la poire; et, puisqu'on ne mange pas d'insectes, je retiens que de l'ail émincé revenu aidera à coaguler à feu doux un 1/2 litre d'humeur de porc auquel on incorpore à feu fort six œufs en remuant tranquille pour une véritable omelette au sang.

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poubelle 1


ne vous emmerdez pas :
ajoutez deux feuilles de salade sauvées de l'épluchage
à l'eau de cuisson des pâtes
ne sert à rien
brille comme un velours inondé

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poulpes des près


on achète des encornets sans trop savoir pourquoi et de la hampe parce que c'est bon puis, quand à équivalence de 150g il en reste, on vide, lave et lamellise les pieuvres, jette le bœuf débité en toutes fines allumettes à feu vif dans une branche de céleri blanche et une gousse émincées déjà un peu revenues à l'huile d'olive le temps de changer de teinte et rejoint des mollusques qui s'enroulent et blanchissent augmentés de 10 cl de vin blanc et une boule de pâte céladon faite de 5 pignons, 2 pistaches, 1 cayenne, 2 zestes de vert hachés, 5 feuilles de menthe, broyés dans un mortier, sel poivre. Réduit à feu vif avec une purée de rave et patate douce pique sucre acide et chauffe.


dauphinois mais presque


je me suis dit que dans une terrine chemisée un fond de gingembre râpé et, successives, des couches de pommes granny en lamelles chacune saupoudrée léger de farine de maïs, à mi-course de gros raisins secs et pignons et, terminale, 30g de beurre malaxé à deux c.s. de farine de maïs et une de sucre roux, coiffé d'amandes effilées et encore les raisins (quelques), mouillé jusqu'à la moitié de lait, 25 mn four très chaud, je me suis dit que ça devrait être bon, et j'avais raison – impossible à démouler.


à son pied


Je ne sais pas comment elle a fait pour les attraper mais, alors que j’essayais de me remplir d’un hêtre déployé comme une radiographie de brocoli dans le doré vert éteint humecté des bords d’un nuage de bruine (plus loin coupons d’arc-en-ciel posés sur la bruyère qui monte jusqu’aux rochers puis le ciel chargé immense bas loin), elle avait dans chaque main un ombre et elle a demandé : «Comment va-t-on les manger ?» et comme les branches mortes d’un arbre sont toujours sèches quand on les cueille, j’ai fait un feu, des braises pour y poser enveloppés d’une bonne couche de terre humide les deux poissons. Quand la terre fut cuite, à table!
On est rentré à la nuit, dans la nuit et la nuit en hiver il n’y a rien, le parfait silence, nos pas et le souffle diminué des moteurs au loin. Quelqu’un m’avait parlé d’un poisson-chat arrangé de vin rouge et d’un chutney de citron vert. Comment faut-il le cuire ? Ce sera pour plus tard. 
Int. soir : J’avais mis à l'étouffée dans une cocotte des couches successives et alternées de chou vert, châtaignes, lard maigre, lard gras, effilés au couteau par soi, vin blanc, bouillon de poule, mais (il faut recommencer) ce n'était pas convaincant alors j’ai haché menu le tout avec 150g de steak de cheval et 150g de jarret de veau, 30g de beurre, de la coriandre, sel poivre, pour des paquets de pâte feuilletée ou feuille de brick diversement assaisonnés de zeste du tout venant, de feuilles de menthe, de cayenne pilé, de curcumin, au four très chaud 15/20 mn, voire certains en feuille de brick 4 mn à la vapeur pour un gluant chinois brûlant, une façon de renifler. Du reste de veau (il en restait un petit bout) et son os à revenir dans la cocotte et saindoux avec un poireau émincé et une demi patate douce puis mouillés de quatre assiettes d'eau chaude et cuit 25 mn à feu très doux. Mouliné sans la viande mais la moelle, c'est velouté, un peu sucré et deux gouttes de tabasco idéales.
Dans la langueur de la nuit tombée vite, pleine comme une qui va mettre bas juste devant la maison, je veux dire une limite, la nuit comme un tampon, une couche entre soi et le reste qui de fait applique une trinité (soi, la nuit, le reste), on s’est fait une verveine (cueillie par notre hôte cet été gnagnagna…). Plutôt que de la boire, j’en ai versé dans les bols de pommes et kiwis (un peu de sucre) émincés pour faire du dessert une soupe – s’approche de comment l’eau vive d’un torrent tapissant des cailloux les rendrait comestibles. Ici au calme, la limpidité de l’infusion, les surfaces chaudes des fruits froids dedans, chacun a son goût, le goût d’un bijou. Demain, c’est saucisses.

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21 mars 2012

milou


je n'ai à la courgette et le demi poivron cuits vapeur al dente, en plus des sel poivre huile d'olive, pas pu empêcher une retenue de crème liquide et ses anchois blancs.


l'histoire du phoque


C’était ce bleu dense qui s’éclaire quand on y entre la tête la première, tassement des proportions dans une échelle inconnue, admise, mes pieds qui remuent dans le bleu et eux-mêmes, pas la peine d’aller vite, des «dorades-dit-il» qui étaient en-dessous, supérieures sous l’onde, ne s’éloignant que de peu quand je les poursuivais, intactes, font un tour et reviennent sous nous, enfants innocents des vacances. Un gonze qui pêchait en attrapa plusieurs (habile certes mais borné, le poisson) qui, plutôt que grillées au fenouil ou en filets marinés au citron et graines de cela et herbes de ceci, finirent dégustées crues pelées levées à même la roche chaude où nous posions nos fesses; et replongeon pour imaginer tout boire. La veille avait cuit un pot-au-feu d’hors-saison particulièrement genièvré qu’au soir, en revenant de l’eau (pas le soir de la veille où le pot avait cuit pendant que nous mangions des panisses en frites dorées et leurs légumes vapeur – ici, à jamais, gravons «sous la dent» au marbre de la vapeur – et tant de ce vin blanc qu’endormis n’importe où), j’ai dressé d’une sauce moutarde au vinaigre de vin, simple vinaigre de vin, rouge, aigre, acide, refouli d’alcool maison, une sorte de mauvais caractère, le bougon du placard, et beaucoup de ciboulette, en regrettant qu’il n’y ait pas, à frire en flocons de patates, des huîtres (le temps de leur dorer une nouvelle coquille) – le bouillon en consommé du petit déjeuner.
Rentré, et ce truc dans l’air qui fait que la peau s’enduit, j’ai pris 1kg de raie à 11 euros, dans l’eau, deux laurier, un genièvre écrasé, sel, à frémir 11 minutes, j’attendais la transparence qui se forme au ventre de la bête, un glaire livide de nacre qui tire au violet, un vrai, diaphane et plus éclatant encore quand auprès de la gamelle qui frémit j’ai posé le lèche-frite où de fines tranches d’aubergines avaient rôti rapide dans le four assez chaud et un peu d’huile, les mêmes jaunes un peu sales, les cramoisis amis; plus transparent encore à côté du beurre fondu à feu doux avec ajout de pâte d’arachide et, cuits dans la seule inertie, persil haché, le jus d’un demi-citron, une grappe de câpres (j’en avais quelques grosses avec leurs longues queues), travaille dans le doré, le jour qui descend sur la plaine et bocages; concomitante acmé, fortuit camaïeu final de l’appareil des tranches d’aubergines quand j’arrange, hachés, une demi-pomme, un quart d’oignon rouge, quelques anchois à l’huile, de la menthe, du basilic et de la buffala, huile d’olive (pas trop) et poivre. On a passé un bon moment à regarder le truc. On grillé du pain. Plus tard, j’ai fait un gâteau, mais c’était pour ailleurs.

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12 mars 2012

jerry


j'aurais aimé être ce bout d'anchois au sel haché d'un maigre reste de persil et une feuille de menthe mis à contribution de pâtes rétablies de lard suisse, une échalote et grains de fenouil poêlés, que j'ai mangé tout à l'heure, — comme le fait de lâcher du modène balsamique sur le riz revenu au persil et ses cubes de vacherin fribourgeois : la main au bout du bras de l'épaule —.

cidre ardent


C’est l’hiver, les reflets qui réchauffent quand les gants sont mouillés, plaine immaculée, ciel comme l’absolue vitre des autres, craquelures des houppiers qu’on dessine, paradis calculé, retour en calèche, au coin du feu la marmite.
Dante racontait, et on sait que c’est faux, qu’en face des sept cercles de glace qui forment le centre de l’enfer, où les larmes gelées des damnés leur strient en tombant les joues de coupures toujours neuves, qu’en face de ces balmes de forêts pétrifies dans le froid, on entend le bouillonnement discret d’une sorte de sauce rougeâtre qui s’écoule dans des canaux infinis et au loin et dessine dans l’air une crête fumeuse qui serpente. On l’a déjà vu, déjà dit, déjà lu. (Ceux qui n’étaient pas là le savent mieux que quiconque.) Depuis ma chambre, c’est un peu différent.
Comme je sais qu’un rouge n’a rien à lui s’il n’a pas un peu d’ocre, que le carmin ne vaut qu’en touchant du marron, j’ai pensé que le kako d’un cochon (son jarret demi-sel, donc) irait bien aux couleurs venues de haricots. Cependant il me manquait la mer. Je voulais le bain et l’anorak, les hauts causses puants au lisier d’épandage et la vague qui, fatale, vous retourne au rivage: j’eus la vision d’encornets qui tournent à la violine quand on les cuits sévère. Le kako désalé trois heures dans des eaux changées trois fois est cuit lentement et pas moins de deux heures et demi avec une belle échalote émincée, un fin poireau entier et sa carotte comme on veut, un verre mélangeant haricots rouges et borlotti, six autres d’eau. Je n’ai pas su empêcher la baie rouge, le grain de coriandre, le genièvre et le piment oiseau d’aller y faire un tour, sont restés discrets, il faisait sombre, n’ai pas pu les compter. Sous la fonte qui diffuse la gélatine et la couenne fondent, emportent les sucs, les transforment. De temps en temps je remuais en savourant d’avance les bubons de la sauce qui perçaient en fumant. C’était la veille et maintenant c’est demain.
Je mets à réchauffer (une demi-heure de plus ne lui a pas fait de mal) tandis que les encéphales à tentacules de quelques encornets et ail reviennent à la poêle puis coriandre haché au moment de servir sur l’assiette du ragoût qui attend. L’ensemble fait vermeil et j’ai failli en rester là, fasciné par la scène écarlate, un syndrome de Stendhal fabriqué dans mon coin. Aujourd’hui je chante le collant du gluant de la peau qu’on mange sans vergogne, la viande qui se détache en fines fibres entre la langue et le palais, les haricots qui exhalent le piment dans leur pâte douceur, le poireau qu’on regrette de n’avoir pas plus long. 
Il n’y avait pas de place pour un peu de chapelure chauffée à l’huile d’olive et liée de persil dont j’avais la semaine passée coiffé au service un risotto de simple céleri dans une sorte d’autogratin sans four. Du coup, j'eus l’idée d’un dessert.

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23 févr. 2012

sans mangue


restait un bout de carotte alors en rondelles dans le gras qui exige feu vif d'une poêle et deux grains de coriandre, un temps puis rejoint des navets en lamelles cuits sur eux-mêmes avant-hier et de pâtes de la veille, secoués-secoués, sel poivre pour juste avant l'assiette estragon en vrac, anisé et sucres minéraux, la racine est une copine

sortes de ruines


Il y a le macaroni qui même coupé propose le meilleur rapport pâte/cavité/étendue. Rien n'y entre, mais ce tuyau par sa taille et son diamètre charrie assez d'air pour une passionnante électro-acoustique de bouche. (Il y a un gratin à concocter avec les entiers en long vers dociles et rangés dans le plat entre les nappes de jambon-haché-béchamel-comté, vous avez une heure.)
Il y a cette âme d'enfance, de tartine, longtemps qu'elle tapait au carreau, trop timide pour qu'on y prit garde, et c'est épuisée sur le rebord de la fenêtre qu'un jour on manque d'un plat pâtissier bouillant de l'écraser, un moineau pendu par la patte qu'on recueille et ranime : la cacahuète en beurre. Il y a le cuit-vapeur (d'eau, j'entends !) qu'on pose sur une casserole acquis en pensant à du chaud et croquant sous la dent, du saisi mais cru.
Pendant que les macaronis dans l'eau (7 mn), deux finement échalotes et leur dent d'ail à fondre deux minutes dans une casserole à graisse chaude arrosée hors du feu de deux c.s. de vinaigre de vin et laissées tranquille le temps que l'émincé tout à fait d'un poireau jusqu'au blanc deux minutes à la vapeur puis, à fondre très doux dans les échalotes, une c.s. de beurre et une de pâte d'arachide en remuant pour marier à l'intime, car, dans l'ordre et dans l'assiette, les tuyaux de blé, les lamons verts comme un plongeon dans un bourgeon, la sauce à glaire de caramel et picots dorés qui lèvent. Toujours la cacahuète veut assécher mais n'y arrive et cède en sucrant, l'infortunée.
Le lendemain à 100g de steak haché j'ai mélangé le reste du vert cuit, haché avec un demi-anchois, trois centimètres de romarin, un cayenne, quatre pignons, une demi c.c. de graines de pavot, trois c.s. de chapelure, une lampée d'huile d'olive, sel poivre, pour des boulettes grosses comme vous l'entendez qui rejoignent dans la poêle à feu moyen et du saindoux qui pleure le blanc du poireau de la veille émincé, rissolant – l'appel victorieux du printemps dans la graisse. Faut tout le temps remuer et secouer. (Vous pourriez arrêter là, balancer tout le reste, ne garder, ne manger, que ces brins de blanc à peine torgnolés d'une graisse brûlante, mais bon.) À mi-course jeter les pâtes demeurant, sel poivre et flamber au whisky. C'est craquant et souple, humide et précis, un pré salé inversé, quelques pas dans des grottes un peu basses et marines.
Ce beurre blanc d'arachide je l'ai repris comme onguent à des tronçons de lotte cuits vapeur cinq minutes et carotte, patate douce, chou vert, en julienne, vapeur trois minutes, une promesse à moi-même et aux fantômes quand j'ai rêvé d'une cacahuète en combinaison de plongée. Les épluchures ont frit dans de l'huile, égouttées, papier absorbant, fleur de sel pour patienter. Surtout le chou !

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22 févr. 2012

à mi-vue


Depuis ma chambre où les houppiers continuent leur chose (laissez-moi jouer de mon orgue !), ciel entre, des anchois au sel écrasés dans un chèvre frais, huile, ciboulette, sur des longes de pain grillé mais la fièvre ne part pas.


la cavale blanche


Dommage qu’il pleuve tout le temps et puis je voulais du poisson mais il était trop cher ou bien trop tôt, « Faut attendre deux jours sinon c’est du caoutchouc » me prévint l’aimable poissonnier, le visage légèrement de côté.  « Dans deux jours, y’aura plus personne » me dis-je dissipé par le souvenir d’une cuisine entre deux bâtiment, un canard dont la marchande courait allègre âgée après ses copines dans le marché maintenant désert de 13h et Lisbonne, « Pato ! Pato! », que j’avais rôti fourré d’une mangue, d’un piment, d’un petit suisse, deux gousses d’ail en robe, la sauce fut tout cela écrasé à la fourchette et revenu dans le plat déglacé à la bière et au beurre, « Pato ! Pato! » sucré collant salé mangé sous la verrière où une plante à grosses feuilles.
Ici aux abords des froissements d’un tilleul géant, avec des bâtons de carotte vapeur al dente 2 mn, – deux échalotes le temps de dorer à feu doux et déglacées hors du feu d’une cuillère de balsamique (à la figue parce que j’en ai), réservez –, un filet-mignon revenu dans le même gras, on y rapporte l’émincé doré antérieur (alors arrêt sur glacis hollandais, un long rocher rose et beige qu’à l’automne des feuilles en écailles translucides etc.), à mi-cuisse du lait frais pour 80 mn à réduire en cocotte à feu retenu modulé, tourne au caramel augmenté de safran servi en tronçon et lâcher de ciboulette (Lâchez la ciboulette!) avec des pâtes sauvées d’un jour passé qui sautées dans du beurre sont servis sur une planche – à la mousquetaire ! : nous autorise à ramasser et redresser ce qui au sol a chu.
Le lendemain, des boules de riz (sushi ou risotto, augmenté juste après la cuisson de peu de vinaigre de riz pour le rouler/presser docile entre les paumes mouillées) humectées de shõju et ointes de graines de sésame, au barbecue, les unes cachaient un bout de mozarella, les autres un éclat de prune, emprunt aux pratiques aranciniennes des gamelles siciliennes pour accompagner les sans-compter maquereaux grillés idem dont nous frimes les arêtes dégustées avec un melon et du sel – rappelle qu’une fois sur le quai d’un canal berlinois où d’autres faisaient du bruit, un japonais et une pâte à beignets aromatisée d’herbes cuite dans un moule à demi-sphères multiples posé sur la braise qu’il roulait petit à petits coups de baguette pour les saisir en boulettes, moins bon que palpitant, tiercé de la bille, parfois au résultat on aime la façon.
Ensuite, réveillé sur des alpages à 1200 m où crépitent les criquets que j’ai capturés, goûtés crus puis frits dans un peu d’huile (ni blague, ni bravade) pour les croquer relevés de serpolet haché, de sel roulé, de piment broyé mais sans trop, car goût d’herbe dense et noisette champignon sous craquant délicat, vin blanc ou bière noire glacés.

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marteau du dieu


ce peu de crème déglace les frites de navets et les deux moitiés d'un poireau cuites à l'étouffé pas trente minutes autour d'une morteau sur un ail émincé, deux coriandre et un piment, trouble dans l'encore croquant des légumes le statut de l'ensemble : la main tendue qui pique, la langue qui mord, le cactus apaisé – et pas de sel, évidement.