il est arrivé en retard, tout de suite à table, et lors nous dégustions dans la cuisine des écrevisses que j'avais étouffées à la vanille, c'est à dire glacis de citron vanillé au service, patates rabotées vapeur pour de courbes vaguelettes, il s'est enquis – "Alors, heureux ?" (de ma cuisinière) – «Ben non.» Je ne m’en prends qu’à moi, manque d’attention aux détails, malaise dans l’achat, auto-obstruction sur quatre vingt quinze – «et mille euros pour un machin ni pensé, ni fini, voire dessiné avant 1947… ok le four est bien. Voilà, c’est ça, j’ai acheté un four mille euros, j’ai plus qu’à foutre tout ça sur le bon coin.» – C’est vrai que t’as jamais su acheter, a-t-il dit en lèchant le caramélisé des crustacés au plat de son assiette puis bousculant le coq et l’âne ajouta – Et le lapin ? – Je me demandais comment ils sont élevés – En batterie, je pense – Comme les poulets, les veaux , les vaches, les cochons ? – Tu imagines quoi ? – Je vois toujours l’empile de clapiers avec les truffes qui gigotent, le chien qui court autour, plus une idée de la virginité. – c’est pas plutôt la fornication – Dans l’antiquité, c’était la virginité parce qu’ils font des petits tellement vite que les grecs qui sont plutôt lents pensaient que ça se faisait tout seul. – Peu importe. – Si tu veux. Pour moi le lapin il ne peut qu’avoir mangé que de l’herbe et des carottes. Y’a pas eu de scandale du lapin, on leur fait pas bouffer leur caca, ni des os de vache. – T’en sais rien! – C’est vrai que j’en sais rien et que samedi dernier je les regardais pas franchement dans la vitrine du tripier qui m’a dit «c’est ezstra! j’vous l’coupe ?». J’ai mis les bouts à revenir dans un peu de gras puis à cuire sur eux-mêmes avec un gros oignon blanc, cinq dents d’ail, suffisamment de romarin et une tranche de lard (tiens, le lard! on aimerait bien qu’il soit tiré d’une bête des plus humaines et façonné par des mains et des intentions pleines d’air pur, de sol sous les pieds, de prévisions météo infaillibles, de services rendus sans compter et d’indicibles attendrissements), sinon qu’à quarante minutes j’ai découvert un peu et avivé la flamme pour que le jus réduise. J’ai écrasé des patates à l’eau et du beurre; au lapin diffusant à l’arrêt, j’ai ajouté du coulis de tomate qui avait chauffé avec le foie dénervé/écrasé du bestiau servi fleuri : bourrache, capucine, perilla, le coulis et le lapin étaient deux douceurs simplement ensemble avec rehausse tempérée des arômes rapportés. L’automne, tu vois. Tout est là ronronnant, apaisé, en partance, immense mais humain. La prochaine fois je fais des pâtes tout à la main, pétrissage, façonnage. – C’est quand la prochaine fois ? – Entre confort, interdits et plaisir – il faut que je le note
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