tout est dans le poivre blanc qui comme une moustache au cours d'un baiser fait la syncope au reste de riz poêlé d'un émincé de persil échalote romaine œuf battu – cette main petite près du sol de l'étable, lumière dorée par la fenêtre
8 janv. 2013
une confiance
Ils ont dit : «C’est Fenêtre, ça parle de rivière», on s’est mis d’accord sur une sorte d’oriflan, c’est un oriflan, un trophée d’oriflan, la tête donc, hypertrophiée d’une trompe aplatie et pliée dans sa longueur pour en faire une auge dont l’inclinaison donnait l’idée d’un cours, d’un “d’ici à là” dont la source cachée derrière de larges oreilles pare-balles en aggloméré de bois grossier était deux woks posés sur des réchauds forains posés sur une table assez basse pour debout y travailler des gestes d’évidence quand il s’est agit de faire sauter, de flamber, de gratter, de saisir, de faire suer, de raviver, de tournicoter, de mouiller, de rincer, d’oublier, de hâter, de verser, de réserver, l’ingrédient qui y cuisait. Pas de recettes mais un principe, pas une idéologie préétablie mais l’expérience sensorielle d’un réel : plagier une esthétique du flot, traîner au bout d'une corde un bout de bois, une pièce de racines sur les cailloux secs de la rivière retirée, une matière elle-même infusée d’âme; et comme l’eau se constitue en couches de soi (soi-même ?), nous superposâmes à la volée chaque aliment cuit séparément et conséquemment sans souci d’une harmonie préalable, prévue, préparée, mais, cornacs des cuisines dans la porcelaine de l’anarchie, indexés à l’idée ou la couleur de tel ou tel prédécoupé, voire précuit, en attente dans les pochons de supermarché rangés sagement derrière nous sur une grande table qu’un jour une pointure dessina. Et furent : carottes à la chapelure sous vert de poireaux poivrés sous riz blanc sous frites de courgette citronnées vert sous éperlans aux amandes sous radis roses flambés au rhum sous lingots au saté sous champignons paprika sous filaments de papaye salés sous amandons d’abricot persillés sous lentilles corail sous calamars déglacés au vin blanc sous billes de chair et verdure flambées sous riz blanc sous chou rouge et corinthe au beurre sous dents d’ail au piment sous épluchures au lait de coco sous tomates cerises aux pétales de roses sous lentilles corail sous riz blanc (notre bourdon) sous oignons au zeste sous crevettes à la bière sous poivre vert frais frit sous navets au cumin sous laitue frite aux baies rouges sous radicelles grillées des poireaux… autant d’affects joyeux (ce que tu veux, pas ce tu peux) chaque fois épandu tout au long de la rigole d’où tous s’approchent pour remplir leur gobelet et retournent à la lecture d’un des trente exemplaires sérigraphiés carton 90 x 120, «F = F», disent-ils.
vidéo : http://lanuitlanuit.blogspot.fr/
24 déc. 2012
grainetier
ce qui est étonnant, ce n'est pas la hiérarchie cadencée aux canneberges séchées du navet, de l'oignon blanc, de la griffe d'ail, émincés fondus ensemble 10 mn; ce n'est pas la lente, progressive diffusion fumée sous la dent qui mastique des fins petits bouts de lard aux herbes du Gourmand Vaudois d'un marché de Genève jetés crus en premier dans l'assiette; ce n'est pas non plus qu'en ce moment ce sont les farfalle qui remplissent toutes les conditions d'accueil d'un agissement poêlé; ce qui est étonnant, c'est la saveur citronnée d'amande, allongée et circonscrite comme une fenêtre panoramique dans l'ancien d'un mur de grange, que l'huile des anchois blancs niçois versée au service fait avec la courgette
massu
– je pense que je vais arrêter
– t’es fatigué ?
– bah, disons que je vais arrêter. Enfin, je crois…
– hé! la croyance…
– ok! Je pense que je vais arrêter
– t’es fatigué ?
– arrête! veux-tu!
– ça va!… c’était bien les pousses de fougère
– c’était y’a longtemps
– cuites dans l’eau 20 minutes…
– 30!
– 30 minutes, petite huile d’olive et…
– ouais mais j’aurais pu penser à l’huile de noisette, et plutôt que du sel un pilé d’ail séché ou d’anchois séché
– t’as des anchois séchés !?
– non. Je pourrais, lentement sur des claies ou pendus par la queue dans une pièce aérée. P’t’êt’ ça existe déjà l’anchois séché. Faudrait. Tu vois, si ça existe pas, ça me désole
– tu exagères
– non. Maintenant y’a plus personne pour envisager l’envie de faire un truc pareil, dans le cadre d’une coutume, d’un us ethno-partagé
– y’a toi. Y’a des gens comme la boulangerie à Montreuil, là, je sais plus le nom
– alors excuse-moi
– ça va, pas besoin de s’excuser. Le cœur de cheval, tu fais quoi ? «J’avais sur une grosse langue de ventricule hachurée au couteau appliqué, gros sel, poivre noir, coriandre, laurier, cayenne et grains de fenouil pour sur la face intacte à l’étouffée dans une sauteuse 20 mn pendant que – faire la sauce – réduisaient au sirop les 50 cl de vin rouge sur fondu d’échalotes, ail, thym, rebouillus très doux 8/10 minutes dans 20 cl de fond de veau, chinois puis en tournant la casserole 50g de beurre et une c.s. de salmiakki finlandais, fils de poireaux vapeur et strates des cristaux en camaïeu de bruns» ?
– on pourrait l’écrire autrement
– ho la la, t’es vraiment triste aujourd’hui!
– excuse-moi
– triste et chiant
– ok. Peut-être un pain de viande au cœur de cheval, envisagé comme une promenade
– ça part mal
– je veux dire comme une conquête, une guerre, une invasion, une rapine des nations, un blitzkrieg sans hoquet ; des provinces aménagées entre elles depuis des siècles en socle de tout sont passées à la moulinette et serviront de limon à un nouvel homme dans un nouveau monde. Elles se nomment : cœur de cheval, oignons, beurre, sauge, chapelure, épinards, fanes, branche du céleri, coriandre, baies rouges, poivre, romarin, armagnac, sel, anchois et veau. Les proportions sont laissées à chacune des armées incursives qui resserrant leur étau cuisent th. 7 le tout enveloppé-serré dans du papier d’aluminium.
– 20 mn ?
– hmm, un bon 40
– tu m’aimes ?
– disons que je te coupe en deux
<pas de visuel>
ménagère
Il y avait des poireaux fins, jeunes sans doute, fins, j'en ai pris six à peine épluchés puis lavés coupés en deux parfois trois pour tenir côte-à-côte sur quelques lames de lard gras dans un plat à gratin saupoudrés pas mal de chapelure et un peu de comté râpée, du sel jusqu'à penser c'est trop, 25 mn four torride et attendre que froid pour quand on les croque du gratiné au confit intérieur jouir de l'enveloppe séchée, le blanc bien sûr et les verts aussi… ouais! c't'un crescendo
balbec
je voyais bien qu'à la poêle, revenue mais pas trop, l'amertume des endives taquiné à celle grasse de l'amande crue écrasée, ingrate du persil émincé qui parfois tel un foin mais, et la métis acide de canneberges : Ô les ruisseaux dans lesquels des carafes…
place de l'égalité
je n’ai pas réfléchi, j’ai laissé faire, je me suis laissé me faire, j’ai gratté une carotte, émincé quatre champignons de paris, une échalote, je les ai fait fondre à couvert et feu doux dans une poêle à l’huile de pépins de raisins. Je me suis dit: «Tu utilises beaucoup la poêle, il faudrait revoir toutes les fois où tu as écrit “dans une poêle”, mettre à jour le système (également décrire l’espace, le chemin entre la table et le frigo, le lien d’esprit qui va de l’un à l’autre et advient dans un plat)». J’ai mis l’andouillette de canard dans une petite casserole avec un bout, un truc qui pour tous est un bout, en l’occurrence ici de céleri branche, et le reste d’un vin blanc lambda rapporté d’ailleurs. Le saucisson baignait bêtement avec son copain le bout, je les ai laissé discuter à feu très doux pendant que sous le couvert de la poêle ça fondait le temps que je fasse autre chose – étendre du linge peut-être, gratter un amas minéral au-dessus de la plinthe du couloir, relire un passage de La Fabrique de l’homme endetté et me demander si ce temps-là que je prends pour cuire ça était une prise de crédit qui faisait de moi un débiteur projeté dans la mémoire de son futur –. À mon retour, le vin blanc frissonnait, les légumes semblaient cuits, j’ai versé le liquide, l’andouillette et le céleri dans la poêle et feu fort jusqu’à ce que plus de jus, j’ai fini d’un gros prout! de crème semi-épaisse et ce qui m’a plu, ce qui a placé ce frichti sur le podium magnanime de ma gourmandise, ce n’est pas le bout de céleri al dente comme un virage sur une route à travers des marais, c’est que je n’ai pas mis de sel, jamais, celui du vin blanc et celui de l’andouillette ont suffit. C’est aussi que je n’ai pas mélangé la crème que j’ai laissé diffuser dans un coin, d’abord de la poêle puis de mon assiette, que ce havre-ci relevait le champignon de la chose et apaisait l’acide de l’axe carottevinblanc, j’allais de l’un à l’autre en passant par l’élasto-fondant des abats, j’allais de l’un à l’autre la tête toujours un peu plus près de la table comme un héros qui petit à petit découvre des habitants dans les rainures du bois, en tombe amoureux, veut les rejoindre, rapetisse sur son tabouret, se prend un taquet par sa sœur ainée qui l’élève depuis la mort de leurs parents. Et puis j’ai eu envie de riz au lait.
Le soir, à la terrasse du bar du Marché, tout le monde parlait de sexe. Vous, vous buvez de la bière, vous buvez de la bière, vous buvez de la bière, vous buvez de la bière, vous buvez de la bière, vous buvez de la bière.
<pas de visuel>
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