Je ne sais pas comment elle a fait pour les attraper mais, alors que j’essayais de me remplir d’un hêtre déployé comme une radiographie de brocoli dans le doré vert éteint humecté des bords d’un nuage de bruine (plus loin coupons d’arc-en-ciel posés sur la bruyère qui monte jusqu’aux rochers puis le ciel chargé immense bas loin), elle avait dans chaque main un ombre et elle a demandé : «Comment va-t-on les manger ?» et comme les branches mortes d’un arbre sont toujours sèches quand on les cueille, j’ai fait un feu, des braises pour y poser enveloppés d’une bonne couche de terre humide les deux poissons. Quand la terre fut cuite, à table!
On est rentré à la nuit, dans la nuit et la nuit en hiver il n’y a rien, le parfait silence, nos pas et le souffle diminué des moteurs au loin. Quelqu’un m’avait parlé d’un poisson-chat arrangé de vin rouge et d’un chutney de citron vert. Comment faut-il le cuire ? Ce sera pour plus tard.
Int. soir : J’avais mis à l'étouffée dans une cocotte des couches successives et alternées de chou vert, châtaignes, lard maigre, lard gras, effilés au couteau par soi, vin blanc, bouillon de poule, mais (il faut recommencer) ce n'était pas convaincant alors j’ai haché menu le tout avec 150g de steak de cheval et 150g de jarret de veau, 30g de beurre, de la coriandre, sel poivre, pour des paquets de pâte feuilletée ou feuille de brick diversement assaisonnés de zeste du tout venant, de feuilles de menthe, de cayenne pilé, de curcumin, au four très chaud 15/20 mn, voire certains en feuille de brick 4 mn à la vapeur pour un gluant chinois brûlant, une façon de renifler. Du reste de veau (il en restait un petit bout) et son os à revenir dans la cocotte et saindoux avec un poireau émincé et une demi patate douce puis mouillés de quatre assiettes d'eau chaude et cuit 25 mn à feu très doux. Mouliné sans la viande mais la moelle, c'est velouté, un peu sucré et deux gouttes de tabasco idéales.
Dans la langueur de la nuit tombée vite, pleine comme une qui va mettre bas juste devant la maison, je veux dire une limite, la nuit comme un tampon, une couche entre soi et le reste qui de fait applique une trinité (soi, la nuit, le reste), on s’est fait une verveine (cueillie par notre hôte cet été gnagnagna…). Plutôt que de la boire, j’en ai versé dans les bols de pommes et kiwis (un peu de sucre) émincés pour faire du dessert une soupe – s’approche de comment l’eau vive d’un torrent tapissant des cailloux les rendrait comestibles. Ici au calme, la limpidité de l’infusion, les surfaces chaudes des fruits froids dedans, chacun a son goût, le goût d’un bijou. Demain, c’est saucisses.
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